Ces draps seront mon linceul. — Lovée au creux de ses bras, dans un lit de fortune, perdu entre une pile de bouquins poussiéreux et un amas de partitions, Olympe frôlait le bonheur. Rien n’aurait pu davantage la combler, si ce n’est la conviction que ce moment durerait éternellement.

Alors qu’elle tentait de se dégager de son étreinte en quête d’une couverture, un frisson l’envahit. Elle se raidit au contact de ses pieds glacés. Il sourit. Moins parce qu’il était parvenu à la faire frissonner que pour l’authenticité de ce moment. Ces pieds glacés, ce froid mordant… C’était bien réel ; aussi réel que les doux moments qu’ils venaient de partager. Et ça, personne, pas même le plus habile des mirages, ne pourrait le leur retirer.
Car dans un monde empli d’illusions et de faux-semblants, la vérité et la réalité valent leur pesant d’or. Et cette vérité là n’avait pas de prix ! Si ce n’est, peut-être, celui d’une vie.

En effet, Olympe n’était autre que l’enfant chérie du Pôle et la dernière favorite en date du grand Farouk. Et si elle n’y prenait pas plus garde, ces draps pourraient bien devenir leurs linceuls.
Des têtes - bien plus jolies de surcroit - étaient tombées pour moins que ça. Il n’y a qu’à voir ce qui était advenu de cette pauvre Charline… On ne survit pas à une mutilation, du moins pas totalement. Si le corps résiste, l’esprit, lui, finit peu à peu par nous quitter. Et avec lui, toute forme d’humanité. Un comble lorsqu’on sait que la mutilation n’est autre que la privation de nos pouvoirs. A croire qu’une vie sans magie n’est pas vraiment une vie, de même qu’une vie sans amour…
Et si Olympe aurait parfois volontiers troqué ses pouvoirs contre un peu de répit, elle ne s’imagine pas vivre loin de ceux qu’elle aime… De lui, de Wolf ou même de sa famille.

Car s’il est usant d’être sans cesse connectée aux états d’âme des siens, il l’est encore davantage d’en être tenue éloignée… La Toile a cela de magique qu’elle ennuie autant qu’elle captive. Et ce, au sens propre comme au figuré… Car lorsqu’on fait partie de la Toile, on accepte de ne plus s’appartenir totalement. C’est ainsi qu’Olympe, du haut de ses vingt-et-un printemps, est devenue la parfaite marionnette de son clan, leur obéissant au doigt et à l’oeil.

éduquée pour siéger aux côtés de Farouk, elle fut présentée au seigneur alors qu’elle n’était qu’une enfant. Déjà, sa beauté froide le subjugua. Ainsi, à mesure qu’elle grandit, l’Ambassadeur, son cousin, rapprocha les entrevues jusqu’à ce que sa seigneurie n’ait plus besoin d’Aide-mémoire pour se rappeler Olympe à son bon souvenir. C’est alors qu’elle fut prête à faire son entrée au Gynécée.
Dans ce petit monde de femmes, il était difficile de trouver sa place… Mais en avait-elle seulement une ?

Olympe n’est pas de celles qui se fardent d’hypocrisie ou se laissent aller à quelques bassesses pour attirer les faveurs d’un homme. Non pas qu’elle se pense au-dessus de tout cela, elle n’a pas cette prétention. C’est une personne simple, honnête et intègre qui a érigé la bienveillance au rang de sport national au Pôle. Son jeu préféré : agacer ses comparses à coup de sourires placides et traits mièvres. Son adversaire de prédilection : Mona.

Ainsi, elle se mit très vite tout le Gynécée à dos avec pour seul réconfort sa domestique et ces instants volés, au nez et à la barbe de la Toile, en compagnie d’Izaya.

« Izaya… »

Prise de panique, elle s’agita soudain dans le lit, le cherchant désespérément des yeux. Quand, tout à coup, ses prunelles se plantèrent dans les siennes. Son regard perçant luisait d’une étrange lueur. Jamais auparavant elle ne leur avait connu pareille irrévérence et pour cause… Ces yeux n’étaient pas les siens, mais ceux de Farouk.

Emplie d’effroi, Olympe cherchait prise un peu plus bas alors que le bras de Farouk s’approchait dangereusement de sa silhouette gracile. A mesure que l’étau se resserrait, Olympe perdait pied.
Puis, le néant.

Quand la belle reprit connaissance, sa domestique l’accueillie avec enthousiasme.

« Le voyage de Madame fut à son goût ? »

Le sablier bleu dégoupillé suffit à la rasséréner. Quand cesserait-elle enfin de jouer avec le feu ?
 

Te voilà validée, voyageuse !

Que dire ? Je suis ravie de ma lecture. Outre ton style très agréable, l’histoire est bien ficelée, le personnage est original, et j’ai tout particulièrement apprécié le fait que tu ait pensé à évoquer les prédéfinis du forum !
Je n’ai rien à redire, c’est tout bon pour moi, et j’ai hâte de voir à quel point cette beauté douce plongera dans le côté obscur !


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